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Ici ça parle un peu de ma vie... de ce qui me fait rigoler, de mes coups de gueules, mes amis, mon amour, mes voyages, mes rêves, mes envies et mes regrets, et de tout ce qui m'étonne... la vie est une sorte de machine à voyager dans le temps (P Geluck)

Heureux les simples d'esprit

Elle a toujours été conviviale voire pipelette, à poursuivre toute conversation le matin quand je te dépose, quand je réponds aimablement à des réflexions anodines. Cela part de rien souvent, "Léa peut-elle commencer à manger un quignon de pain ?" et nous voilà engagées sur un échange intéressant où je m'enquiers avec toute la soif d'apprendre d'une maman novice, du timing pour commencer à introduire les morceaux fondants et autres biscuits croquants dans ton alimentation. Ou bien elle trouve ta première paire de chaussures magnifique et j'explique que je n'ai trouvé qu'une seule boutique au coeur de Toulouse offrant la garantie de chausser convenablement les petits pieds pour les premiers pas. Ou bien encore elle réclame un nouveau paquet de couches et comme je lui dis que j'achète exclusivement des Pampers par 300 ou 400 lors de ventes privées, elle me parle des "Pommette" dont une maman semble satisfaite et des rougeurs qu'il lui a semblé voir apparaître quand un jour je lui ai donné des couches de E. Leclerc pour essayer.

Bref, tous les jours nous passons dix ou vingt minutes à bavarder et puis un jour je t'offre un enregistreur sur lequel je te laisse un message enregistré pour que tu puisses entendre ma voix quand tu en éprouves le besoin et que je ne suis pas là. Comme tout jouet, au bout de quelques jours, personne ne sait plus où il est. Ce matin, je dis à ta nounou que j'ai cherché partout chez nous et que je ne l'ai pas trouvé. Elle me dit qu'elle a cherché dans tous ses lits parapluie et qu'elle ne l'a pas trouvé non plus. Me souvenant qu'une fois je l'avais trouvé glissé sous son canapé recouvert d'un immense plaid, je me penche et regarde sous son canapé de nouveau. Sans réfléchir, je me redresse et déclare sans ironie "cette fois il n'y est pas mais y a plein de trucs sous votre canapé". Je voulais lui dire par là que si elle cherchait de menus objets qui lui manquaient, peut-être s'étaient-ils malicieusement cachés là...

Mais, selon les témoignages que j'ai eus par la suite de nombreuses personnes auxquelles j'ai exposé la scène, il semble qu'il n'est pas étonnant qu'elle l'ait hyper mal pris. Comme je viens d'un autre monde, de franchise sans arrière-pensée de bêtise pleine de naïveté, je ne pouvais pas l'imaginer. Et sur le moment, quand elle m'a rétorqué avec humeur "eh bien je vais vous embaucher pour faire mon ménage !" je n'ai pas trop compris la riposte du tac au tac et j'ai répondu avec un rire léger pour détendre l'atmosphère "ouhla déjà que je ne le fais pas chez moi !" car j'ai senti confusément qu'elle prenait l'information que je croyais lui apporter factuellement, comme une remarque sur la qualité de son ménage. J'ai accepté sa vanne de bon cœur, après tout si j'avais dépassé les bornes de la familiarité en examinant sous son canapé dans son échelle de valeurs, elle avait raison de me balancer une pique et nous étions quittes.

Mais pas du tout. Le lendemain matin, le 10 octobre 2013, elle m'attendait de pied ferme et quand je t'ai déposée, après avoir bruyamment admiré le nouvel aménagement de son couloir intérieur, elle me déclare qu'elle veut rompre le contrat et qu'elle est en train de rédiger sa lettre. Que la veille, elle voulait le dire à ton père qui était allé te chercher, manque de bol pour la 1ere fois il y est allé avec papy et mamie et que du coup elle s'est retenue. Encore heureux, devais-je me dire plus tard, vu que c'est contre moi qu'elle en a, ils auraient tous été comme deux ronds de flans, comme moi aujourd'hui, et en plus non concernés par ses récriminations.

Et là elle me déballe tout... "Vous n'avez pas confiance, affirma-t-elle, je l'ai toujours senti, que vous n'avez pas confiance en moi... et quand vous avez regardé sous mon canapé, alors là !!!" Elle semble avoir été vexée jusqu'au tréfonds de son âme, cette pauvre femme à qui je n'avais pourtant pas dit "votre ménage laisse à désirer" puisque je ne le pensais même pas et qu'il ne me serait jamais venu à l’esprit de lui donner la moindre leçon relative à sa façon de garder les enfants vu qu'elle est mère de 4 enfants et nounou depuis 13 ans. J'ai toujours chanté ses louanges auprès de mon entourage, la surnommant Mary Poppins et je l'ai complimentée des dizaines de fois sur son travail, percevant sa soif de reconnaissance. Je n'ai jamais téléphoné ni réclamé de SMS en journée pour me tenir informée de la journée de Léa, je n'ai jamais critiqué ou conseillé. D'où tient-elle ce sentiment ? de sa propre insécurité, plutôt ?? Régulièrement, je ponctue mes arrivées le matin par un joyeux "Quel bonheur de la laisser quand on voit comment Léa sourit quand elle arrive devant votre porte ! quoi de plus rassurant pour une maman..." ou tout autre compliment ou de nombreux "ah c'est super ça, quelle bonne idée !" "ah vous avez raison, je vais faire ça" ou "vous qui avez beaucoup d'expérience, je voulais vous demander..."....

D'un seul coup elle explose "Je suis en colère, moi je suis quelqu'un qui dit les choses alors je préfère vous le dire..." Et je me dis "Mouais pourquoi ne pas m'avoir dit avant qu'elle m'avait dans le collimateur depuis le début si elle est si franche que ça ? aujourd'hui elle pète un câble et veut arrêter la garde de Léa à la suite d'un malentendu qui l'a vexée (??!!)" Si on est vexé, c'est qu'on est susceptible...

"...Vous voulez être parfaite !!"

Oui ? et alors ? Ce n'est pas un bel objectif dans la vie, ça ? Plutôt que d'ambitionner d'être une sous-m**** ou de rester rien ni personne ? Se tirer vers le haut, c'est mal ? En même temps, si c'est un travers, c'est pas de ma faute, je me faisais enguirlander méchamment quand je ne ramenais pas 20/20 dans toutes les matières et ça a dû creuser un grave trauma dans mon petit crâne dont je ne suis pas près de me remettre. Merci maman. C'est à cause de toi que 25 ans plus tard je vais perdre ma nounou.

"Vous n'avez pas confiance en vous en fait !" Wouah Nounou-Psy a passé sa nuit à m'analyser et m'explique qu'elle en a des douleurs de crispation dans l'épaule et le bras. Comprenant qu'il fallait que j'aille dans son sens pour ne pas la braquer davantage, je lui réponds "Peut-être ! Oui ! vous avez sûrement raison !" et je pense "...mais en 13 ans de nounou, vous n'avez jamais vu une jeune maman angoissée ? " ...et lisant dans mes pensées elle s'écrie "...je n'ai jamais vu ça en 13 ans d'assistante maternelle, ça ne m'était jamais arrivé ! " Bizarre. On n'est pas censée voir plein de jeunes mamans anxieuses et devoir faire preuve de pédagogie quand on est nounou depuis autant de temps ? Et elle, quand elle a eu son 1ere enfant, elle était parfaitement sûre d'elle ? quelle chance ! Comme quoi je suis effectivement très loin d'être parfaite. "Léa est une enfant adorable, gentille !!! facile à vivre !!!" et moi j'entends pendant ton panégyrique "...pas comme sa mère ! !!!" J'espère bien que tu ressembles le plus possible à ton adorable papa en effet. Que tu ne sois jamais aussi insécure que moi (merci encore maman), aussi bête, aussi maladroite socialement... tout en espérant que tu sois libre comme moi même si cela me mène souvent à rester en marge de ce monde étrange d'aujourd'hui à l'observer avec stupeur et incompréhension. Je t'expliquerai cela dans un autre billet mais tu percevras réellement mon sentiment à ce sujet quand tu auras à ton tour mon âge je pense. Car c'est cette longue observation du monde qui m'a amenée à faire mes constats et exprimer mon émotion à son sujet.

Bref, pour revenir à ta nounou explosive, mon sang n'a fait qu'un tour sur le moment, je venais de conclure la veille, ce 9 octobre pour mon nouveau boulot, je ne pouvais pas imaginer perdre mon mode de garde qui, même s'il t'arrache à moi chaque matin me laissant en proie à un immense chagrin, me permet d'être disponible pour aller chercher des sous pour nous nourrir. J'étais aussi totalement stupéfiée par ce retournement de situation où mon employée me congédiait sans médiation préalable, avec la toute-puissance de ces métiers de garde d'enfants en France où les parents sont à genoux car seul 1 enfant sur 10 a une place quelque part pour être gardé. Enfin, j'avais un mal fou à concevoir que cette nounou dont je ne disais et pensais que le plus grand bien pense exactement le contraire ! Je tombais de très très haut. Comment est-ce possible qu'avec tous les compliments sincères que je lui faisais continuellement elle pense que je critique son travail ??

Pourtant j'en ai gardé pour moi, des réflexions ! ...La fois où j'ai trouvé un bout de verre par terre dans le salon où tu passes tes journées avec les deux autres bébés, je l'ai ramassé en lui disant juste "tiens, il y a un bout de verre par terre" calmement, sans montrer ma nervosité. Elle avait cassé des verres et avait mal balayé. Les fois où tu rentres avec ton leggings blanc devenu noir car elle ne lave pas par terre tous les jours comme maman, je ne dis rien. Quand je lui ai demandé combien de fois elle te changeait et qu'elle m'a dit 4 ou 5 fois bref qu'elle ne comptait pas, j'ai juste montré mon étonnement en disant ah bon, moi je ne la change que 2 fois sur cette durée ! mais je ne lui ai pas demandé d'économiser ces couches qui nous coûtent une fortune. Quand elle me rend ta bouteille d'eau pleine, je suis contrariée qu'elle ne t'ait pas fait boire assez de la journée mais je ne dis rien. Quand on jette ton biberon plein parce que tu le bois avec moi mais pas avec elle, qu'importe. Quand tes pantalons sont recouverts de longues traces de stylo, je ne relève même pas qu'un stylo à bille traîne à la portée des bébés chez elle. Quand elle me dit sèchement aujourd'hui que ta poussette doit désormais rester toute la journée dans le hall de son immeuble car elle ne veut plus que les mamans ne la laissent chez elle, je trouve cela très limite mais je me débrouille avec. J'ai toujours eu l'intuition qu'il fallait appuyer ses points positifs et taire toute remarque car mon 6e sens avait détecté une personnalité fragile voire manquant de confiance en elle. Ton papa m'a dit après coup que lui avoir offert des jouets pour les enfants et une chaise haute (parce que je n'aimais pas t'avoir vue manger par terre !) avait dû davantage la vexer que lui faire plaisir. Pffff. Incroyable. Mais ton père a toujours raison.

Bref, j'ai alors ouvert la bouche pour ma défense puisque je n'avais pas le temps de prendre un avocat, et je lui ai demandé dix fois de m'excuser, arguant que j'étais profondément désolée, que je n'avais jamais eu l'intention de la blesser, que justement je voulais revenir parler de cet enregistreur puisque par hasard je venais d'apprendre qu'il était chez mamie, que je trouve son travail excellent et que Léa est visiblement très bien avec elle.

"Vous êtes exigeante !!!" cria-t-elle encore. "Ta façon d'être la renvoie à sa propre imperfection et c'est cela qui la dérange car elle est bête comme ses pieds, après tout elle n'est que nounou, tu vois ce que je veux dire..." me rassura totalement une de mes chères amies.

"Si je n'avais pas confiance totale en vous je ne vous laisserais pas ma petite fille, et je serais bien plus horrible que ça (puis plus sérieusement) ...J'adore ce que vous faites et comment vous le faites, vous êtes une "maman" et..."

- Je ne suis pas une maman ! je suis une nounou !!! et une nounou ne remplacera jamais une maman ! s'excite mon interlocutrice.

Entendre cette réplique me calma un peu. Elle ne comprenait donc pas le français que je parle. Mon expression visait à la complimenter encore une fois, à reconnaître son expérience de maman de 4 enfants, à lui dire à quel point son travail était d'une qualité inégalable par rapport à une assistante maternelle qui n'aurait jamais eu d'enfant et répondait totalement au besoin de maternage des enfants confiés. Mais là, j'ai compris qu'il m'était inutile de lui parler, moi en chinois et elle en biélorusse, nous ne pouvions définitivement pas nous comprendre.

"Réfléchissez-y je vous en prie, conclus-je en pleurant, ce que je vous propose, c'est que ce soit le papa qui vienne la déposer et la récupérer comme ça... je ne serai pas envahissante..."

Me voir en larmes et visiblement contrite et en pleine incompréhension dût l'émouvoir un tantinet car elle se tenait coite à m'observer et elle n'a que grommelé un OK vaguement désemparé à la fin, quand je suis partie.

A fleur de peau, probablement nerveusement fatiguée de n'avoir que des enfants pour échanger toute la journée, sa faim de conversation entre adultes le matin avec moi me paraissait révélatrice d'une forme de solitude qui finissait par lui faire perdre les pédales par manque de repères. Inutile donc de discuter plus avant, je pars en espérant que nous ne recevrons pas sa lettre mais me dis en même temps que si je devais chercher une autre nounou, je ne serai pas non plus fâchée de me passer de ce tonneau de sottise qui clamait sans cesse "j'ai besoin de reconnaissance moi ! j'ai besoin de respect !!"

Pour toi, j'ai préféré faire profil bas et serrer les dents et faire ce que je fais rarement, c'est fermer ma bouche. Grâce à toi c'est maman qui grandit et pour ton bien-être parce que je sais qu'elle t'aime autant qu'elle me déteste, qu'elle te câline et que tu t'amuses bien avec ton copain Wiwi et ta copine Marilou, je préfère que tu restes là-bas et je sais que c'est en battant en retraite que je nous donne toutes les chances qu'elle revienne sur sa décision. Cela fait 7 jours aujourd’hui et malgré la nouvelle galère de papa chaque matin et chaque soir pour te récupérer et te poser dans mes bras, moi qui attends à quelques mètres derrière chez la nounou, tout semble être rentré dans un nouvel ordre.

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